l'espace du son-le son dans l'espace
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mise en scène de la prise de son
L'espace vivant c'est quoi?
les sons environnants
L'Illiade et l'Odyssée
Les Perses
Semaine du son de l'UNESCO / mardi 25 janvier / maison de l'Université Rouen Mont-St-Aignan.(Edit)
Intervention Phillippe Brunet et Alain Michon
« Interpréter, capter, restituer la voix homérique" (Edit)
Trouver un lieu pour enregistrer, c'est le début d'une Epopée; une suite d'évènements de caractère héroïque et sublime!..
En effet, c'est à partir d'un ou de plusieurs lieux que s'élabore notre projet Homère. Un aède, deux poèmesLes plus beaux extraits de L'Iliade et de L'Odyssée interprétés par Philippe Brunet.
Notre ambition :capter l'interprétation et restituer une image sonore au plus proche de ses recherches sur les traces d'Homère. Comme Achille dans l’Iliade et Démodocos dans l'Odyssée, Homère déploie son chant au gré de l’inspiration divine des muses.
Nous faut-il trouver un espace divin?..
Non pas, mais assurément un espace vivant, pour les poèmes de la voix !..
L'espace Vivant.(Edit)
L’écoute de la résonance du lieu, Réapprendre à se surprendre
L’écoute de la résonance du lieu est l’occasion de se laisser glisser dans le bruit dans laquelle cette résonance va s’exténuer tout en l’amenant à la surface de l’écoute : une résonance est un toboggan pour l’attention, en la suivant l’attention prend un élan propre à lui faire embrasser ce que sans cet élan, elle néglige Eve Couturier,
Tout espace est vivant, tout espace renvoie, accentue, redistribue avec plus ou moins d'intensité des fréquences d'un son. On nomme ce phénomène la réverbération, sa couleur est liée à l'architecture du lieu, à ses dimensions et aux matériaux qui le constituent.
Mon travail est d'abord un travail d'écoute des lieux, puis de sélection des paramètres en capacité de soutenir ou d'impulser de nouvelles perspectives au chant de Philippe Brunet.
En choisissant certains de ces lieux, je lui propose un contexte sonore avec lequel il va devoir composer voir même re-composer son interprétation et faire de l'espace son partenaire de jeu.
La plus-part du temps, ces espaces libres non conventionnels pour la prise de son ne sont pas neutralisés ni isolés acoustiquement comme le sont les studios de son ; ce qui implique des contraintes supplémentaires pour le preneur de son. La mise en place des séances est plus longue que dans un studio, il doit trouver l'emplacement du système de captation idoine en tenant compte des critères acoustiques et spatiaux de la salle. Il teste en frappant des mains, émet des notes continues évalue, voir mesure la quantité de la réverbération, sa nature et sa répartition spectrale.
Il se passe la même chose lorsque l'acteur découvre pour la première fois une scène, d'instinct il teste le son, joue avec l'espace pour voir comment le son se répercute et revient à lui, si la sonorité du lieu porte sa voix et comment elle peut être perçue du public. A ce moment là, il commence à prendre possession du lieu en composant avec le retour acoustique tout en construisant son récit qu'il modulera au fur et à mesure de son jeu.
En dépit des difficultés énoncées plus haut, nous pensons que cette interactivité naturelle entre l'acteur et le lieu est une voie qui nous semble appropriée aux interprétations des poèmes d'Homère.
Le point de distance critique.(Edit)
Pour déterminer l'emplacement de l'acteur dans le lieu ainsi que l'implantation du système de microphones, le preneur de son cherche le point de distance critique entre le signal direct et le champ réverbéré. Le point de distance critique c'est le point d'équilibre entre l'espace intime du chanteur (sa propre caisse de résonance) et là où commence à être perçue les premières réflexions de son chant dans l'espace. C'est le point à partir duquel s'édifie l'écriture dramaturgique et spatiale de la voix. Soit on se rapproche de la source et on diminue progressivement les réflexions de la salle, soit on s'en éloigne et petit à petit on perd de l'intelligibilité, le sens du texte devient plus lointain, plus flou, plus mystérieux.
A partir de ce point on peut alors parler demise en scène de la prise de son d'écriture spatiale et d'écriture dramaturgique.
Variations des plans à partir du point d'écoute critique.(Edit)
- Hyper gros plan
A quelques centimètres de la source on a l'impression que la voix ou l'instrument nous habite (voix de dieu, ou celle du diable), il n'y a quaziment pas de présence acoustique de la salle. Les défauts qui risquent d'apparaître: accentuation des basses fréquences, dureté des attaques, remontée des bruits mécaniques (déglutition, frottement des archers, pincement des cordes etc..) sont à éviter ou au contraire peuvent devenir des qualités si un choix esthétique est assumé.
On emploiera plutôt des microphones omnidirectionnnels qui n'ont pas de remontée de basses fréquences en proximité,si on veut accentuer une message confidentiel ou murmuré par exemple.
Redjep Mitrovitsa joue un extrait du journal de Nininjsky, ici la résonance de sa voix est dans son espace intime.
- Gros plan ou Plan rapproché
Lorsqu'on approche un microphone d'une source sonore, les sons réfléchis perdre de leur intensité mais porte néanmoins le timbre de la salle si on choisit un micro à directivité large comme un omnidirectionnel ou un micro Hypo-cardioïde. La source sonore sera perçue comme au travers d'une loupe, on obtient une focalisation du message.
Le jeune roi Xerxès accuse, accablé, le destin.
Le jeune roi Xerxès arrive, les vêtements déchirés. Le Roi accuse, accablé, le destin. Puis il invite le Chœur à suivre ses cris et gestes de douleur. Le Chœur répond, sans le suivre tout à fait dans son registre vocal plus aigu. A la fin, ils sortent derrière le Roi. L'échange lyrique est haché, le pathos passe par des mètres multiples, avec la présence de dochmies.
- Plan large
Plan large c'est le plan d’ensemble. La réverbération prédomine et éloigne le sujet plus il s'éloigne de la source, petit à petit on perd l'intelligibilité du signal direct au profit du signal réverbéré, la scène sera perçue dans son ensemble au détriment des détails, la couleur, la nature du lieu apparaîtra progressivement.
- Plan large extérieur
On perçoit un mélange de sons mats par la densité du sol sableux et de son clair par l'humidité de la pluie sur les troncs. Chant improvisé de Jung Wan sous la pluie, dans une ancienne carrière de sable en forêt de Fontainebleau.
Jung Wan
- Plan américain
Celui qui cadre le personnage à mi-cuisse et montre l’action des bras (comme dans les westerns, il faut voir la main prête à dégainer le pistolet). Il y a équilibre entre le son direct et le son réfléchi, lorsque le microphone se situe entre les deux extrêmes c'est le point de distance critique. L'impression est une présence naturelle sans déformation de timbre ni de dimensions de la source sonore.
- Plan moyen
Celui qui cadre des pieds à la tête, la voix est portée par les réflexions du lieu. Exemple enregistré dans un escalier en béton, l'acteur se positionne sur 3 axes par rapport au couple de microphones(droit gauche et centre). Ce mouvement le contraint à marquer un temps dans sa diction correspondant au temps réel de son déplacement et par la même à l'extinction de la réverbération du couloir. Par conséquence, le trait de caractère des différents personnages se trouve surligné.
L'Ombre du roi Darius évoqué par les prières et les offrandes, Darius apparaît et prend la parole. Après un court échange avec le Chœur, il s'adresse à la Reine, l'interroge, puis commence son discours prophétique. Il prône la paix, puis s'en retourne sous la terre. Le Roi et la Reine parlent en tétramètres trochaïques. La prophétie de Darius est en trimètres..
L'Ombre du roi Darius
Mouvements dans les plans :(Edit)
Du plan proche au plan lointain, c'est un mouvement sonore qui est créé. Dans ce jeu dynamique entre le lointain et la proximité, soit le mouvement est réalisé en amont à la prise de son soit en aval lors du mixage en post production. Dans le premier cas le mouvement se réalise en un plan séquence, un déjà fait déjà mixé où le parcours du chanteur se déroule autour de l'emplacement des micros, l'acteur exécutant son parcours comme le ferait un calligraphe exécutant son dessin en un seul geste sans décoller son pinceau de la feuille.
Dans le deuxième cas, l'acteur ne bouge pas, il fait face à des micros installés sur plusieurs plans, du plus proche au plus lointain, reste au mixeur à privilégier tel ou tel plan et à inscrire un mouvement.
mise en scène de la prise de son
Quel lieu, pour quelle interprétation.(Edit)
Le chant de l'Aède Homère porté aujourd'hui par Philippe Brunet est un chant qui se déroule dans le temps long des 24 chants de l'Iliade et de l'Odyssée. Comme pour ses interprétations dans les théâtres romains de France et de Grèce il cherche les moyens les plus simples au profit d'une recherche d'authenticité. Il n'utilise pas ou peu de jeu de lumières et s'arrange pour que son spectacle finisse à la tombée du jour, ainsi le soleil couchant accompagne le départ des acteurs, la scène portée par les ombres jaunes rouges et or se vide, elle laisse apparaître l'architecture du lieu contenant encore pour quelques instants la mémoire de l'Epopée qui vient d'être contée.
C'est cette même sensation d'authenticité que l'on voudrait obtenir avec nos prises de son dans les lieux vivants, vivant par les actes que nous y déposerons.
Faire apparaître sans imposer, faire disparaître pour créer une tension d’écoute (aller chercher le son, faire advenir le désir d’aller vers la source, amener l'auditeur à tendre l'oreille, laisser la muse s’exprimer par le mystère.
Dans notre projet d'enregistrement Philippe Brunet souhaite interpréter Homère seul. Homère d'une seule voix s'adresse à la fois aux convives, il est le narrateur, puis alternativement il prends la place d'autres personnages tel que d'Ulysse, le Cyclope, Calypso, Télémaque Athena etc.
Choisir des lieux c'est vêtir le personnage de son habit de scène.
Quels sont les moyens que l'on se propose de mettre en œuvre pour refaire une fiction du parcours de la voix d'Homère. Les multiples ressources de mise en scène de la voix et de la lyre dans l'espace, les paysages sonores enregistrés et les ambiances sonores fabriquées.
Il nous faut choisir un lieu pour que chaque évocation ait une sonance qui s'accorde avec les évocations épique du chant d'Homère.
- Les voix du poème
La voix du récit d'Homère, les discours, les voix de ses évocations, ce qu'il traverse, à qui il s'adresse?
Pour porter ces différents récits, le texte reconstitué d'Homère accompagné de la lyre pourrait être nécessaire et suffisant; le jeu dans l'agencement des mots, l'accentuation des syllabes, la métrique en hexamètre la qualité des descriptions, le renvoie vers de multiples situations épiques, il y a là de véritables partitions traduites par l'helléniste Phillippe Brunet qui devraient suffire pour exalter l'écoutant. Mais en t'on aujourd'hui les capacités d'écoute?
Dans un premier temps il nous apparait d'une part qu'il faille jouer des extraits et d'autres part de les inscrire dans une durée et un format conventionnel , un vinyle (20 mn pour chaque face) , un CD pour écoute ne continue de 70 mn. Une autre forme plus moderne pourrait être envisagée sous la fporme de téléchargement ce qui impose un format de compression sur lequel il faudrait travailler puisque notre orientation serait plutôt de favoriser la dynamique plutôt que l'intensité. Dynamique égale respect des rapport des sons faible et des sons fort et c'est ce que l'on vise en enregistrant dans les espaces vivants du lointain au plus proche.
- quel type de lieu et de sonorité conviendrait au hurlement d'Ulysse quand il s'adresse au Cyclope?
- quelle sonorité pour l'île de Calypso où se noue un dialogue entre Hermes et Calypso
- les sons environnants: la mer, le vent, les bourrasques, les vagues, les pierres...
ce sont des sons captés dans la nature et dans le milieu urbain que je collectionne depuis des décennies. Pour ce projet, ils sont mis à disposition pour le mixage, en contiguïtée avec les textes d'Homère, avec la voix ou avec le jeu de la lyre. On ne considère pas ces séquences comme des décors sonores ou du soundesign, ils sont appelés plus comme des rappels énergétiques ou utilisés comme des stratégies de détournement de l'attention quand par leur soudaine ou furtive disparition ils auraient le potentiel de créer des abimes, des évocations ou des silences abyssaux. - les sons fabriqués, mis en scène le banquet, la rue, les manifestants, les chorales...
Ces prises de sons font l'objet d'un espace préparé où l'on trouvera par exemple un tas de feuilles mortes à l'intérieur duquel on placerait une corde. Le déroulé de la corde pourrait évoquer l'image d'un son de serpent qui viendrait se déplacer sous le pied de l'Aède. Ce jeu sonore dans un silence naturel habité pourrait créer un effet de tension dans un espace libre entre deux versifications. Ces mises en scène sonores sont inventées au fur et à mesure des besoins. Et c'est à l'évidence un atout supplémentaire que d'être sur place en résidence pour le concrétiser rapidement avec des moyens de fortune. Un argument de plus pour revendiquer notre appel d'un lieu d'accueil.
- quel espace pour un chant de bataille avec des percussions ?
- quel contexte acoustique pour le repas des prétendants lorsque Télémaque s'adresse à Athéna?
Ces quelques exemples pour réaffirmer que nous sommes sensibles aux sonorités des lieux, une prise de son qui en tient compte a de bonne chance de rendre un message plus poétique que technique et c'est peut être un des éléments de réponses à notre projet.
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